19 septembre 2006

commentaire du musicien aa !

Eh oui, les musiciens de cette création parlent, bloguent et blaguent, ne dorment pas et surfent la nuit devant les écrans bleus iodés.
Mais pas de panique (tiens, d'ailleurs, Panique! c'est un super groupe de musique qui joue le 17 octobre au NJP à Nancy : www.panique.org), car après tout, ceci n'est qu'un commentaire, un simple commentaire, une vision de l'intérieur de ce maelstrom qu'est le CDH.

Car voilà, le Chemin des hommes n'est pas seulement que ce que l'on y voit (un zeppelin, des gugusses dessus, trois roues tordues et des bouts de bois). Mélanger des comédiens à des musiciens et à une danseuse, c'est forcément tenter le pari d'un télescopage inventif, d'un chaos nourricier, d'une provocation au doute, d'un détricotage des habitudes.
En effet, s'il est une découverte liée a ce type de travail, c'est bien celle qui constate que personne ne vit sur la même planète.

Par exemple, le temps.
C'est le temps partagé, collectif, qui est de mon point de vue l'un des plus sensible enjeu de cette résidence.
Le temps du travail individuel par exemple (bien différent d'un musicien et d'un comédien : des heures de pratiques quotidiennes qui s'imposent pour le musicien, des temps de résidence-immersion pour le comédien et des sessions de training pour les danseurs).
Le temps "appréhendé" qui différe aussi tellement. Un silence ne sera pas le même chez l'un ou l'autre ; une question de tension interne, de manière d'équilibrer les propositions ou d'organiser les effets et les idées ? Au final, on ne peut que constater la différence des notions du temps selon que l'on doit faire naître une note, un son, un geste, ou une parole.

La respiration également (qui est une forme de temps imposé) n'est pas instrumentalisée de la même manière...
Ainsi, le temps de la parole n'est pas le temps du jeu instrumental qui dépendent tout deux étroitement de la manière d'utiliser la respiration. Ceci se remarque concrétement lorsqu'un texte doit être mis en musique (en improvisation ou en recherche). Une respiration asymétrique (du moins son utilisation dans l'architecture musicale ou théâtrale de la scène) mettra à mal la tension générale, détruira la sensation....l'émotion si fragile.

En vérité tout ceci n'est qu'un jeu de carte qui ne serait dépendant que du hasard s'il n'y avait le temps de rencontre, le temps d'essayer, le temps d'expérimenter.
Pour manipuler le temps de chacun, il faut donc de la...connaissance. C'est bien pourquoi je préfère parler d'expérience plutôt que d'aventure.
L'enjeu de cette résidence est un enjeu artistique qui va au-delà de l'enjeu humain même si, évidemment, l'un se nourrit de l'autre. Il s'agit d'inventer les articulations d'un art à l'autre, il s'agit d'explorer les limites de l'échange et de la construction partagée. C'est un laboratoire, certes, mais surtout la mise en confrontation de pratiques différentes, de temps différents. La constitution d'un sytème d'échange, d'un mode opératoire pour favoriser la fluidité des idées, la créativité, l'imagination.
Cette création est finalement un pari. Un véritable pari sur un spectacle de rue transdisciplinaire, mettant en valeur la qualité et la richesse de chaque art mais aussi l'élaboration d'une sphère commune de création. Un espace ou se redéfinissent les méthodes, les sensations et les enjeux.
C'est là, je crois, tout l'interêt.
aa