25 juillet 2007

photos... et droits /aa

alors....
les photos de Chalon (et le problème des droits qui en découlent).

ces photos sont trés belles (elles sont de sébastien dessertaine et majorie hodiesne ; leurs numéros étant gravés dans les images vous pouvez les joindres si vous désirez les acheter) et je les mets sur ce blog en attendant une réaction de la part des auteurs.

en dessous des photos, le questionnement sur tous ce méli-mélo des droits d'auteur....













le questionnement donc :

je n'arrive pas a savoir comment tout cela fonctionne....
ces trés belles photos sont prises sans autorisation (et cela ne me dérange nullement, c'est une tolérance de notre part due au plaisir bien sur de les voir, c'est aussi un point de vue qui peut se dire critique et c'est parfois une affection), et elles sont diffusées sur le site de Chalon dans la rue pour celles ci mais parfois sur des sites "commerciaux" de vente de photos.

en gros tout le monde est content. (on a de belles photos et elles se vendent à je ne sais quel journal et rapportent de l'argent à ceux qui les ont prises).

parfois cependant, les auteurs des photos demandent à être payés (par un tiers pourquoi pas, mais aussi par les compagnie photographiées) pour quelles soient utilisées (sur ce blog par exemple, mais j'imagine qu'ils pensent plus aux plaquettes de communication des cie).

bien. alors là ça se corse.
en effet, ces photos prises sans autorisation sont mises en ligne comme vitrine commerciale du talent du photographe et non comme présentation de l'"amour du spectacle" (je caricature car cela n'est pas forcément contradictoire).
de droit je peux refuser toute vente de ses photos (c'est un droit moral et patrimonial que j'ai sur mon image) ; de fait, c'est bête, car je préfère un arrangement : ok pour la vente à des tiers mais en échange ok pour une utilisation raisonnée par les photographiés genre...un blog.


et là... tout se dévoile.
car en fait les photographes -pas dans tous les cas fort heureuseument- ne vendent à personne d'autre qu'aux compagnies !
tout d'un coup apparait au grand jour une forme d'exploitation sourde et malsaine des artistes par les poissons pilotes qui se sucrent au passage.
les artistes ont des droits mais ont du mal à ne pas se retrouver entre le marteau et l'enclume : acheter des photos qu'on leur a volé ou ne rien avoir et soi-disant disparaitre dans les limbes de l'oubli.
bref, le fameux "ça vous fera connaitre" qui permet de ne pas vous reconnaitre (en salaire ou en droits).
c'est petit à petit la pente savonneuse qui nous entraine vers la disparition et le non respect de ce metier difficile. on dirait que l'artiste à toujours une solide résistance ou plutôt une passion bien chevillée.
au final, je préfère un conflit qui se régle dans le respect des lois, des droits et des hommes que dans cette destruction larvée qui ressemble de plus en plus aux lois d'un "laisser faire, laisser aller" général. une jungle.

avant d'en arriver aux extremités d'un dura lex sed lex, un arrangement en amont est toujours possible. c'est pourquoi j'ai volontairement mis ces images "protégées" sur le blog en attendant la discussion qui ne serait tarder. je les enleverais si on me le demande, mais on discutera aussi de tout cela.

l'intérêt de ce blog devient donc de lever les problèmes et de provoquer la discussion. le milieu des artistes rassemble tout de même un certain nombre de contradictions. il était intéressant d'écouter "à baton rompu" à Chalon (une sorte de diner-débat organisé et animé par Jacques Livchine et Hervée de Lafond ; on trouve l'explication sur cette page du site de Chalon : http://www.chalondanslarue.com/e.php?lsd=141&cc=970&tc=1 ). toutes les discussions étaient ouvertes de la "compromission" aux "financements" en passant par la "démagogie" et la "critique". passionnant. l'année prochaine si on y retourne je proposerais la "musique dans les arts de la rue" et "les droits d'auteurs".

la musique car un frémissement s'opére et la musique passe de "la croisière s'amuse" à des recherches de multidiffusion, de bande son bruitistes ou de sons liés aux gestes, aux événements sans tomber dans le "mickey mousing".
les droits d'auteurs parceque je crois que l'art dans la rue en pose la question. une affaire étonnante avait déjà suscité des remous (buren interdisant la photographie pour une carte postale de la place de ses colonnes à Paris impliquant de fait une privatisation du domaine publique).

dans notre espèce, rien ne doit être violent mais il est important que tout le monde sache dans quel contexte juridique et humain il évolue pour mener à bien des accords à l'amiable. le fait d'être photagraphié n'est pas vraiment le problème, il s'agit plutôt de la réponse d'un photographe dont je tairais le nom (ne rajoutont pas d'huile sur le feu) à qui je demandais gentiment si je pouvais mettre une de ses photos sur le blog et qui, sec, m'a répondu par une grille de tarifs excel genre 20 euros les 5 utilisations pour une durée limite de 6 mois !
oubliant ainsi qu'il venait tout simplement de me voler ces photos qui paradaient sur son site.


et puis tiens, je vous livre en annexe l'analyse rigolote mais trés précise de Sandrine Erhardt une "doctoresse" en droit (sexy donc mais sérieuse) sur le droit à l'image... tout y est expliqué avec les références juridiques.
long mais instructif (et ce blog doit être instructif !!).
aa


Disons que je suis graphiste, chargée par un groupe de noise hardcore d’élaborer une pochette « surpuissante »… Outre le fait que mes spasmes devant la feuille blanche reviennent et que la perspective de l’ingurgitation de litres de café ne me ravit guère, je sens le désappointement poindre tant l’entreprise est semée d’embûches.Et la première des embûches est la protection juridique des images. Dans mon magazine favori « Mode à tout va », je reste interdite devant la photographie signée X d’une somptueuse déesse aux atours irrésistibles. Pas de doute, c’est ce qu’il me faut tant la « puissance » se trouve, comme tout un chacun le sait, dans le féminin. Mais voilà… Cette chère demoiselle possède ce qu’il est appelé communément « le droit à l’image » qui confère à celle-ci le pouvoir de s’opposer à la réalisation et à la diffusion de son image par un tiers sans son consentement. L’image est un attribut de la personnalité. Elle reflète ce qui constitue la personne en propre et est à ce titre protégée par un « droit de la personnalité » consacré par la jurisprudence. Si la demoiselle a donné son accord pour l’utilisation de sa ravissante plastique pour des photographies de mode, elle n’a pas pour autant consenti à ce que cette même image serve de carte de visite à un groupe de musiciens. Une telle utilisation a pour effet d’altérer sa personnalité, c’est-à-dire l’image qu’elle entend donner d’elle-même et lui cause donc un préjudice moral. Par ailleurs, la demoiselle monnaye son image qui a une valeur marchande. Le fait qu’elle n’ait pu recevoir rétribution en
contrepartie de l’utilisation de son image constitue pour elle un manque à gagner. En sus d’un droit de nature morale, on peut considérer que toute personne dispose d’un droit de nature pécuniaire (ou patrimoniale) sur son image lui permettant d’interdire toute exploitation commerciale non consentie de celle-ci. Cette dualité de droits se retrouve d’ailleurs dans le droit d’auteur. En tant qu’auteur d’une oeuvre de l’esprit originale, le célèbre photographe newtonien ayant réalisé la photographie de la demoiselle possède un « droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous » sur son oeuvre (article L. 111-1 du Code de la propriété intellectuelle, CPI). Ce droit comprend deux versants : l’un moral et l’autre patrimonial. Le droit moral tout d’abord. Il comprend le droit de divulguer l’oeuvre comme l’auteur l’entend, le droit à la paternité qui oblige à citer le nom, le titre et la qualité de l’auteur, le droit de retrait ou de repentir qui permet à l’auteur de modifier son oeuvre ou d’en arrêter la diffusion et enfin, le droit au respect de l’intégrité de l’oeuvre conférant à l’auteur le pouvoir de s’opposer à toute altération de son oeuvre ou à toute utilisation qui ne serait pas conforme à l’esprit de l’oeuvre (article L. 121-1 et s. du CPI). Histoire imag(inaire) Certes, j’avais naturellement envisagé d’apposer le nom du célèbre photographe mais je comptais un petit peu retoucher la photographie en la barrant du nom du groupe en couleur vert pomme. Il n’est pas certain que mon trait de création respecte bien l’intégrité de l’oeuvre. Le droit patrimonial ensuite. L’auteur « jouit du droit exclusif d’exploiter son oeuvre ». Dès lors, toute reproduction intégrale ou partielle de l’oeuvre faite sans le consentement de l’auteur et donc sans rémunération de ce dernier est illicite (article L. 121-4 du CPI). Mais tout bon principe comporte des exceptions (article L. 121-5 du CPI). Deux d’entre elles pourraient nous concerner : la courte citation et la parodie. L’exception de courte citation ne peut m’être d’aucun secours puisque la reproduction est intégrale mais la parodie…Je vais faire comme Duchamp lorsqu’il s’est épris de – ou s’en est pris à ? - la Joconde et l’a affublée d’une barbichette. C’est entendu. La demoiselle va être caricaturée pour la rendre plus trash. Rien de tel donc qu’un rajout de balafres et de suie… et d’oreilles de Mickey. Mais voilà… Le droit de reprendre une oeuvre ou l’image d’une personne pour la parodier ne vaut que si, d’une part, il n’existe pas de risque de confusion entre la parodie et l’image de la personne caricaturée et l’oeuvre de l’esprit parodiée et si, d’autre part, le but de la parodie est de porter une opinion sur la personne ou sur l’oeuvre et non d’en tirer un profit commercial. Or, je doute que mon détournement soit vraiment perçu par le public et qu’il réponde bien à l’objectif de porter une opinion sur la personne caricaturée ou sur l’oeuvre parodiée. On pourrait déceler dans mon entreprise une volonté parasitaire. Tant pis. Je me rabats sur le cabas. J’ai décidé de prendre l’image du sac de la ravissante : un cabas sur lequel je rajouterai des pin’s avec « hardcore is life ». Mais le risque de contrefaçon n’est pas évacué pour autant car le cabas peut être protégé par le droit d’auteur s’il est original, par le droit des dessins et des modèles s’il est nouveau, a un caractère propre et est déposé (article 511-1 et s. du CPI) et par la protection sur les marques si tant est qu’il constitue un signe distinctif servant à distinguer un produit… En bref, mon magazine ne fera pas l’affaire ; je décide de prendre l’air. Mon appareil photo numérique en bandoulière et ma barre chocolatée énergétique dans ma besace, j’arpente les rues à la recherche de l’image du siècle. Quand tout à coup, patatras, une voiture fait un tourneboulé entraînant dans sa course d’autres véhicules. Je mitraille et saisis au vol l’image d’une jeune femme égarée, le visage couvert de poussière. Alors là, c’est sans aucun doute « puissant ». Et puis, John Zorn n’avait-il pas
utilisé la photographie d’un homme assassiné gisant sur le sol pour un album de Naked City ? Une anonyme dans la rue, lieu public, il ne devrait pas y avoir de problème… Mais voilà… La personne est identifiable et peut demander que son image et sa dignité soient respectées. Concernant la parution de la photographie d’une femme de ?, assise sur un trottoir, ensanglantée, dans le journal Paris-Match afin d’illustrer l’attentat du RER Saint-Michel, la première chambre civile de la Cour de cassation a posé le principe suivant : « La liberté de communication des informations autorise la publication d’images de personnes impliquées dans un événement, sous la seule réserve du respect de la dignité de la personne humaine » (Civ. 1ère, 20 février 2001). Dès lors, le journaliste qui voudrait rendre compte de l’accident peut publier la photographie au nom du droit à l’information, sauf atteinte à la dignité de la personne. Il n’en est vraisemblablement pas de même si l’image n’est pas destinée à illustrer l’événement mais sert comme simple visuel à une pochette de disque. Je poursuis donc ma route l’âme en peine tout en pensant que l’idée n’était finalement pas vraiment bonne… Il ne reste plus qu’à faire des photographies de paysages. Et voilà que dans l’angle de la rue Ciné et de la rue Concert, s’offre à mes yeux écarquillés une ancienne bâtisse toute décrépie mais aux formes rebelles… Un édifice « puissant ». Je lui tire le portrait. Un homme sort en courant de la maison - homme qui s’identifiera par la suite comme le propriétaire - en s’égosillant que non, non, non, je n’avais pas le droit de prendre « son hôtel particulier » en photo car il possède un « droit à l’image sur son bien » et qu’il fallait donc son autorisation. Mais voilà… L’Assemblée plénière de la Cour de cassation a récemment clos le débat sur un éventuel « droit à l’image des biens » octroyé au propriétaire : « attendu que le propriétaire d’une chose ne dispose pas d’un droit exclusif sur l’image de celle-ci ; qu’il peut toutefois s’opposer à l’utilisation de cette image par un tiers lorsqu’elle lui cause un trouble anormal » (Ass. plén., 7 mai 2004). La notion de « trouble anormal » est encore incertaine. Mais, à moins que le disque se vende à des millions d’exemplaires et que les fans du monde entier décident d’organiser un pèlerinage annuel devant la bâtisse, il ne semble pas que l’utilisation que je ferai de cette image cause un trouble anormal au propriétaire. Mais… et le droit d’auteur de l’architecte sur cette oeuvre monumentale… ? Et le droit à l’image du passant sans souci que j’ai saisi dans le coin de la photographie ? Décidément, l’affaire est mal emmanchée. Je m’apitoie, m’arrache les cheveux et bon gré mal gré, décide que soit ce sera moi sur la pochette – le féminin, la puissance ! - soit elle sera blanche, cette pochette… avec un carré rouge. Et qu’on ne vienne pas me dire que les ayants droit de Mondrian s’interrogent sur les suites à donner à cette affaire !

Sandrine Erhardt , Docteur en droit