02 février 2008

fin d'étape pour les girafes !


le problème des résidences est que l'on a peu de temps pour écrire, photographier, filmer, couvrir l'évènement dans lequel on baigne. le paradoxe d'un blog finalement où l'on ne montre que l'impossibilité de montrer.

5 jours de résidence donc. 5 jours de travail sur une organisation, sur une architecture de l'invention.
le projet branks n'a pas vraiment de direction ferme (mickael monnin bien que directeur artistique prend le pari d'une direction ouverte, négociée, confrontée) et cela ne pose étrangement pas de problème. il s'agit certes d'une discussion constante sur le quoi, le comment et le pourquoi, mais au final chaque décision se retrouve confrontée à la réalité du plateau et de la sortie quotidienne en ville.
la vidéo de chaque avancée propose un regard extérieur impitoyable.
ça marche ou ça ne marche pas.

les créations ne sont pas le lieu d'un eden où les tensions n'existent pas mais l'intérêt réside dans le jeu des déséquilibres (de pouvoir, d'envie, de compétence, de goût, de regard).
un jeu d'équilibriste du déséquilibre.
finalement, on se rend compte que cette forme de construction collégiale se fabrique dans l'effort et non dans le rêve. c'est en permanence un repositionnement de ses avis, de ses compromis esthétiques, de ses compétences, de ses audaces pour se montrer acteur dans la réalisation du dessein commun.
et quel dessein !
arriver à inaugurer une nouvelle forme de fanfare oscillant entre l'absurde keatonien, le ludique de situation, le mélange des plans d'image, l'éternel va et vient entre les formes d'improvisations, la présence théâtrale, la force de proposition, l'écriture musicale et les jeux de l'improvisation libre... une masse gargantuesque de défis tous plus important les uns que les autres, tous liés les uns aux autres.
on pourrait croire que le plus grand chantier d'une résidence est l'invention (en dehors de la préparation des budgets et autres agendas !!), mais on se rend compte que les choix, l'organisation, le mode de relation collectif jouent un rôle capital.
le choix est certainement l'un des enjeux les plus délicats. choisir de ne pas tout faire c'est choisir quoi faire. c'est prendre le pari que les fondements de tout le château de cartes seront bien ceux que l'on a décidés il y a quelques mois auparavant.
choisir c'est de plus prendre une distance sur le temps et sur la réalité. c'est penser large quand on vit le petit, c'est imaginer le possible quand on subit l'échec, c'est projeter l'utilité quand on promeut le ressenti, c'est abandonner une chose en pariant sur une autre, c'est se voir en essayant d'être.

mais les branks semblent enfin sur des assises solides.
5 jours de tests, de sorties ratées ou réussies, de film analysés, disséqués, de reproches ou de félicitations "objectifs" avec les maladresses du bord...

pour nous, le meilleur plaisir reste quand même de terminer cette résidence en se gondolant sur la vidéo de la dernière sortie (parce que c'est très drôle les branks) après avoir déprimé du filage de l'après midi sur le manque de rigueur, de précision et d'allant.

étrange période où tout bascule d'un moment à l'autre selon on ne sait quoi. et quelle situation exceptionnelle que de rassembler 8 personnes autour d'une ambition démesurée et sans assurance (un projet humain certes, mais aussi un projet artistique avec la volonté non pas seulement d'inventer mais de changer, de transformer, de tenter l'autre chose).

parler de création rebute parfois tant les discours lénifiants, naïfs et peu développés existent. mais voilà, au fond des choses, c'est de cela qu'il s'agit ici. une fanfare qui se métamorphose, qui accepte de sortir du jeu facile des animations pour se construire un habit lumineux. un habit d'esprit. un habit qui en appel à l'intelligence, à la réflexion, à "l'élitisme de l'émotion". il ne s'agit pas de la rendre totalement hermétique au monde, mais plutôt de mettre en lumiere la force de l'abstraction, le gigantesque potentiel de l'image construite par le spectateur.
une fanfare (mais peut-on encore parler de "fanfare") qui ne fait que provoquer, qui ne s'appuie que sur les décalages imprévisibles, que sur l'immense puissance de l'improvisation, qui ne croie qu'en l'universalisme de la matière sonore (l'art des sons), qui ne voit comme avenir que le bac à sable qu'est depuis toujours la Rue.
et puis... les branks s'appuient sur 7 personnalités différentes, 7 cultures artistiques très contrastées (certains viennent des musiques libres, d'autres se nourrissent de jazz, d'autres encore se sont construits autour du théâtre de rue et des arts de la rue, quelques-uns ne jurent que par le classique contemporain, au fond de la salle, 2 ou 3 ne pensent qu'à la chanson... sans parler de led zeppelin et autre freerock. je sais, cela fait bien 160% des branks et non 100% mais en vérité tout se croise. envie, histoire). cette dialectique est une force. une force de l'esprit, une force de l'assemblage. un mécano.
dès lors, comment ne pas sauter sur l'occasion et profiter de la confiance que chacun a dans les convictions des uns et des autres pour essayer (mais que dis-je ! pour foncer !!) une fanfare unique, un objet artistique "hors du commun", un truc, un idéal permanent, une brûlante proposition de marier les contraires.
impossible mélange ? à en parler ainsi cela semble irréaliste.
et pourtant je vous invite à regarder la vidéo (en ligne dans quelques jours) de la dernière sortie.
de cette sortie qui représente 5 jours de travail, 5 jours de ce qui est quand même une aventure et une ouverture vers le grand inconnu dont on est sûrs.
le reste... c'est à vous de juger.

non décidément, ce projet est insensé.

antoine arlot

lien "LE PROJET BRANKS"