20 mai 2009

Un petit mot de Cécile sur les Branks qui nous touche




Intervention insolite...


Imaginez vous, sortant d'une heure de mathématiques, vous préparant à vous diriger vers la cantine scolaire, avant de reprendre la trame organisée des cours de l'après midi... Pour enlever un brin de monotonie à votre journée vous n'envisagiez tout au plus que quelques petits riens; un sourire par-ci, une bonne note par là, un rayon de soleil dans la nuque pendant le contrôle d' SVT... En bref, rien en cette journée du jeudi 30 avril n'annonçait ce qui allait arriver si ce n'est une petite affiche que peu d'élèves avaient remarqué: « de 12h à 13h30, surprise du FSE » .
Et pourtant, à peine sortie du bâtiment, nous entendons quelques sons indescriptibles, insolites...

« qu'est ce qui se passe? C'est le haut parleur qui beugue?? »

Et bien non, ce n'est pas le haut parleur, mais cinq énergumènes déguisés en pseudo-girafes, alignés au milieu de la cour. Impossible de les rater, ils ne peuvent se confondre à la foule d'ados en jeans-converses. Le son même produit par leurs instruments n'a rien de conventionnel; alors que la caisse claire reprend le rythme de la grosse caisse, des cris suraiguës s'échappent d'un saxophone, et des hurlements déjantés, comme des appels au rassemblement, viennent tout droit d'un haut parleur... L'appel est entendu, les élèves curieux, s'approchent. Ainsi se confondent tous les âges, des collégiens aux lycéens, ainsi que quelques enseignants qui se retrouvent dans un même état d'attente et de perplexité. Les regards gênés et les sourires approbateurs achèvent un rapprochement inhabituel.

« Qu'est ce qu'on fait, on attend?
– pourquoi pas! De toute façon c'est choucroute ce midi, pas la peine de se presser! »

C'est alors que l'impensable arrive; une explosion de sons, de jeux de voix (très) sonores, de rythmes plus ou moins réguliers... Les Branks, car ce sont eux, courent, poursuivent les élèves, foncent dans les rassemblements d'ados qui leurs laissent le passage en riant, et se retrouvent sous le préau à débiter leurs compositions musicales, la valse des Branks. Une valse de la rue, pour la rue. En l'occurrence, c'est aujourd'hui dans la mini société du lycée Poincaré qu'ils se produisent. Les élèves se heurtent à cette musique, ils ne savent quoi en dire, quoi en penser, et puis on chuchote, on discute, on partage... Si incompréhension il y a, elle ne débouche en aucun cas sur une impression de malaise. On ne cherche pas à attenter à leur sensibilité, mais bien à leur offrir un échappatoire à la monotonie de leurs journées en montrant que l'impro' des uns, amène à toutes les voies possibles pour l'imagination des autres. Car si la normalité humaine est indescriptible et irrationnelle, l'imaginaire l'est tout autant. Et on peut dire que dans la cour de Poincaré, ça pulse!

Les plus jeunes courent partout en criant à l'approche des musiciens, les autres aident à récupérer les cahiers substitués dans un sac de classe... Quoi qu'il en soit, la plupart adhèrent totalement au principe même du spectacle de rue: l'abolition d'un quelconque quatrième mur se trouvant entre le public et les protagonistes, un partage et un jeu qui s'établit naturellement, parce que chacun le veut. Le spectacle, accessible à tous, qui vient à votre rencontre dans le lieu où vous vous y attendez le moins. Et oui, parce qu'après le squat de la cour de récré, c'est debout sur les tables du self que les Branks vont propager leur « free style » . Se faufilant dans la file d'attente, se couchant sur les caddies anciennement plateaux à cruches, ils restent sourds aux protestations vite remplacées par les encouragements des adultes. Chacun en oublie sa choucroute, les jeux acrobatiques et musicaux se substituent au brouhaha habituel de la cantine. Seuls peu de gens posent leur plateaux pour quitter le self, la plupart restent sur leur siège, et applaudissent à la fin de chaque « morceau » improvisé. Et puis les dernières notes sont jouées, et les Branks s'éclipsent aussi discrètement qu'ils étaient apparus, silencieusement, mais toujours bien voyants, même accroupis.
Fin du repas, nous les retrouverons pour la dernière fois gesticulant au milieu de la cour, un encouragement pour la suite de la journée de cours... Après cette heure d'évasion, retour à la vie que l'on nous demande de considérer comme normale, le temps de l'euphorie collective laisse tout de même place, chez certains, à la satisfaction d'avoir vu le monde des arts de la rue s'associer avec succès aux élèves des lycées et collèges, adultes en devenir... Il est donc encore temps de laisser son esprit s'ouvrir! Cécile