18 septembre 2006

La création au jour le jour

Dimanche 17 septembre

Le bon côté
Voilà deux semaines qu’on est dans le bain et je dois dire que c’est plutôt jouissif. La mayonnaise a pris entre les artistes, chacun trouve sa place, il n’y a pas de caractériel, pas de chieur, même pas de végétarien. Le sujet est dur, le travail n’est pas toujours facile, mais cela ne nous empêche pas d’avoir une bonne ambiance sur les poses. On s’est tous rencontré sur des projets et les trois quarts travaillent dans la compagnie depuis quelques années déjà. Le plus chouette, c’est que chacun vient d’un univers artistique différent, mais l’envie de partager et l’ouverture vers l’autre apporte une grande richesse au travail.
Mon cheval de bataille, c’est de bousculer les conventions de la danse, du théâtre et de la musique pour servir le spectacle. Cela demande un gros travail sur l’écoute. Sans compter que le spectacle est déambulatoire et qu’il demande de la part des artistes une adaptation permanente. C’est souvent dans les plantages ou les accidents que l’on trouve les meilleures choses, mais il faut accepter une certaine mise en danger et ne pas se réfugier derrière sa technique musicale ou théâtrale.

Les merdes
On manque d’argent pour travailler dans de bonnes conditions. En plus, un coproducteur vient de nous lâcher quinze jours avant le début de la résidence. Ca fait mal. Heureusement, il reporte son aide sur 2007. Mais les artistes ont bloqué leur agenda et il faut tout repenser, c’est un métier où il faut être très réactif. On se retrouve avec 50% du budget pour présenter une première mouture en novembre.
Mais on ne lâchera pas car la motivation première, ce n’est pas l’argent, c’est l’aventure humaine. Je pense que ce qui différencie une compagnie d’une entreprise, c’est l’aventure humaine. Le but n’est pas uniquement de gagner sa vie mais de se lever le matin avec l’envie de vivre une aventure.

Lundi 18 septembre

La technique et les garagistes du coin
Nous avons sous-estimé les axes de rotation des roues du zeppelin. Val, le technicien, cherche avec les garagistes du coin un système sur roulement qui enlève les frottements. Ces types sont les rois de la bidouille, ils nous filent un coup de main de bon cœur. Ils ont toujours de précieux conseils qui nous font gagner du temps et de l’argent. L’un d'eux a passé la matinée avec son Fenwick à désosser des roues de voitures accidentées, pour récupérer des roulements que Val réadapte sur le zeppelin. Je pense mettre le logo de leur garage sur l’affiche. Michaël

Réflexion personnelle Michaël
Plus je rentre dans l’histoire de cette guerre, plus je suis dégoûté du côté noir de l’homme. Comment peut-on en arriver là ? Comment l’humanité peut se perdre à ce point ? Je recommande à toutes les personnes qui se posent les mêmes questions et qui s’intéressent à cette partie noire de notre histoire, de lire le livre d’Henry-Frédéric Blanc, Le dernier survivant de 14. C’est une fiction, mais tout est dit en 60 pages. Je vous en livre un extrait :
"Que vaut un homme pour un canon ? Des clous. Et pourtant, il en a fallut beaucoup d’intelligence pour fabriquer un canon. Un canon c’est de la raison bien calibrée, de la logique en acier trempé. La raison fait de grandes choses mais elle penche du côté de l’inhumain : ses serviteurs sont les chiffres, et les chiffres ignorent notre souffrance. Au bout du compte, la position la plus logique pour l’homme, c’est la position allongée raide. Un cadavre au moins c’est clair. La guerre de quatorze, mademoiselle, ce ne fut pas le triomphe de la sauvagerie mais celle de la raison pure."

L’humour des poilus
Une phrase d’un soldat inconnu que j’adore :
"Moïse nous a sauvé des eaux, mes nos os ne sont pas près de sortir de la mouise."

Lucette
A l’abbaye où nous sommes en résidence, il y a Lucette, l’agent de développement du site. Lucette a 50 ans, elle a travaillé dans le textile toute sa vie mais aujourd’hui, l’usine a fermée. Elle se retrouve avec un Contrat Avenir de 26 heures par semaine à développer. C’est beau comme nom un Contrat Avenir... ça donne tout de suite envie de signer. Elle voulait qu’on l’embauche pour réaliser les costumes, elle a les yeux qui scintillent quand elle parle de couture, mais pour l’instant elle est agent de développement.

Mardi 19 septembre

Les bons côtés
Aujourd’hui, Véro et Martin ont eu une grande discussion au repas sur l’égalité des sexes. Tout est parti de la serveuse du restaurant qui sert d’abord les filles avant les garçons. J’interviens de manière polémique sur l’abolition de la galanterie depuis l’égalité des sexes. Du coup, Véro embraye sur le sujet et Martin part sur une grande explication du machisme. La discussion finit par des histoires de transsexuels dans une franche rigolade. La serveuse est très étonnée (limite gênée) d’avoir provoqué une telle discussion. On la rassure, on lui dit qu’on adore les discussions polémiques.

Entre nous
Aujourd’hui, Musicien AA n’est pas là, du coup c’est plus calme et personne ne boit de vin à table. AA, si tu nous écoutes... Michaël.

Les merdes
C’est de plus en plus difficile de trouver du bon tissu pour faire des costumes. Notre tissu s’étend en passant sur la machine à coudre, du coup les manches arrivent aux premières phalanges. Il n’y a plus qu’à espérer qu’il rétrécisse au lavage.

Michaël Monnin, directeur artistique du projet.